Il était doux le chant du matin. C'était très plaisant et depuis mon doux cocon, je ne pouvais qu'admirer avec douceur le soleil qui se levait. Le monde des humains était à ce point enviable et agréable qu'il me semblait parfois étrange de retourner à la froideur de la Cours des Lumières. Je n'avais rien contre cette dernière, rien du tout non, puisque c'était chez moi. En fait, j'appréciais même avec une douceur particulière le fait de retourner constamment dans l'un des plus beaux endroits du monde. Mais ce jardin gigantesque et merveilleux qu'était mon royaume n'avait rien de comparable à l'éphémère monde qui s'agitait chez les terrestres. Je plissais les yeux et souriait avec douceur avant de me redresser. Sans un mot, je glissais hors du lit et me redressais pour admirer avec douceur les reflets du soleil sur l'eau. Tout était beau, comme cette fois-ci en 1945, juste après l'une des guerres les plus destructrices et terrible que le monde ait connu. Je me souviens encore de l'odeur âpre du sang des hommes et des femmes qui ne se relèveraient pas. Nous avions décidé de ne pas intervenir dans les affaires des terrestres, comme très souvent d'ailleurs et alors que mes pieds nus frôlaient avec légèreté le sable de la plage sur laquelle je me trouvais, je ne pouvais m'empêcher de songer avec effroi aux horreurs que ce monde avait connu. Et celles qu'il connaîtrait probablement à nouveau. Petite, maman m'avait parlé des horreurs que la terre vivrait un jour, elle m'avait mise en garde sur beaucoup de choses en me faisant promettre de toujours prendre soin de la douce nature et de tous mes futurs sujets. Et je faisais, aujourd'hui encore, en sorte de tenir ma parole.

Je clignais des yeux lentement pour regarder derrière moi l'homme qui était endormi. Les Hommes. Ils étaient bien moins importants que les femmes à mon goût. Du moins pour les plaisirs de la chaire, les dames semblaient plus délicates et plus douces. Les terrestres avaient quelque chose qui relevait de l'interdit, du plaisir coupable que je m'autorisais parfois à supporter. J'aimais les terrestres tout en les détestant. Ils étaient d'une nature étrange et incapable à comprendre réellement. Mais ils étaient utiles aux fées depuis des millénaires. Grâce à eux, notre espèce pouvait continuer de perdurer sans jamais s'éteindre. Je soupirais doucement et quittais la pièce, enfilant ma robe au passage.

Le temps était passé si vite. Je me souvenais certes de tout, mais je me sentais incapable de me remémorer tout cela au cas par cas. A croire que ce qui était dans ma mémoire n'était qu'un condensé d'informations auxquelles je ne pouvais pratiquement plus accéder. Maman disait souvent qu'il ne valait mieux pas se souvenir. Que c'était ainsi que certaines anciennes fées étaient mortes, tuées par la mélancolie. Et que le peuple des fées n'avait pas besoin de voir la mélancolie. Elle était trop néfaste. Tout aussi néfaste que l'ennui et le désespoir. Et les miens ont besoin d'espoir.

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